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Edmond Rocher, “Le Dieu de la forêt” (Ode à Ronsard), 1924

Cette ode d’Edmond Rocher, composée à Paris les 24-25 avril 1924, paraît dans les colonnes du Progrès de Loir-et-Cher le 13 juin 1924, à la suite d’un compte-rendu mitigé des fêtes qui ont célébré les 400 ans de Ronsard à Vendôme quelques jours plus tôt. Dans un autre article de presse publié le 1er juillet 1924 dans La Griffe financière, politique, théâtrale et littéraire, le même Edmond Rocher se montre plus critique encore à l’égard du dispositif adopté par l’abbé Plat dans l’organisation de ces fêtes coïncidant avec celles de la Pentecôte.

Il est probable que les vers qu’on lira ici ont pu être proposés au concours de poésie “Ronsard poète vendômois”, lancé par Robert Barillet, député maire de Vendôme, et dont le jury comptait les Académiciens Pierre de Nolhac et Henri de Régnier. La contrainte formelle imposée dans ce concours était en effet d’adopter une des strophes lyriques employées par Ronsard dans ses cinq livres d’odes. On peut donc être tenté de mettre la sévérité mordante d’Edmond Rocher au compte du dépit de n’avoir pas été primé dans ce concours – peut-être du fait d’une inspiration assurément plus païenne que chrétienne.

Plus qu’un correspondant de la presse locale ou qu’un simple poète d’occasion commémorative, Edmond Rocher, qui est certes avant tout illustrateur, graveur, lithographe et peintre, est pourtant aussi un ronsardien informé dont le travail littéraire et poétique antérieur semblait bien correspondre à la thématique retenue pour ce concours. Originaire comme Ronsard du Vendômois, il nourrit à plusieurs reprises son inspiration artistique de l’évocation de leur commune “petite patrie”, notamment dans des ouvrages du début du XXe siècle, par exemple l’ouvrage illustré La Vallée du Loir à travers le Vendômois, Paris, École Estienne, 1908 ou Petite Patrie : poèmes vendômois, Paris, Sansot, 1908. En cette même année 1924, il fait en outre paraître un Pierre de Ronsard, prince des poètes, 1524-1585 : étude suivie d’une bibliographie du poète et de ses œuvres, aux Presses universitaires de France et annonce un recueil de poèmes intitulé À l’ombre de Ronsard. En 1938 encore, il se fait éditeur d’un volume de Poèmes choisis de Ronsard.

Au-delà de la possible sanction du positionnement idéologique d’Edmond Rocher correspondant sans doute assez peu à celui du comité Ronsard de Vendôme et du jury du concours d’odes, on laissera le lecteur juge de la qualité poétique de ces vers, par rapport à ceux qui ont été effectivement primés parmi les 90 pièces présentées à ce concours (voir aussi dans notre carnet la pièce de René Puaux, récompensée par une mention).


Edmond Rocher, “Le Dieu de la Forêt (Ode à Ronsard)”, Le Progrès de Loir-et-Cher, p. 3 [Publication de vers datés de Paris, 24-25 avril 1924].

Edmond Rocher, “Le Dieu de la Forêt (Ode à Ronsard)”, Le Progrès de Loir-et-Cher, p. 3 [Publication de vers datés de Paris, 24-25 avril 1924].

Le Dieu de la Forêt (Ode à Ronsard)

I

En songe, une immense forêt
De chênes puissants m’apparaît
Dont les verdoyantes ramures,
Inégales, sur un ciel d’or,
Modulent, de la flûte au cor,
D’amples éoliens murmures.

Princes et Rois, vassaux chanteurs
Dans l’orchestre aux sons enchanteurs
Prennent part à la symphonie…
Dominant les maigres taillis,
Et plus haultement jaillis,
Chantent les arbres de génie.

Mais du milieu des frondaisons,
Visible à tous les horizons,
Gigantesque, un dieu les domine :
Sa voix libre et large paraît
Donner le ton à la forêt
Qui, sous son grand souffle, s’incline.

Depuis quatre cents ans déjà
Que ce rouvre élu s’érigea
Au cœur de Gastine-la-Sainte,
Se groupant, des arbres nouveaux
Poussent de lyriques rameaux,
Elargissant l’antique enceinte.

Et le géant domine encor
De sa voix la flûte et le cor
Dont vibre la forêt sacrée…
Le Loir roule toujours son nom :
Comme au fronton d’un Parthénon
RONSARD luit sur l’œuvre qu’il crée.

II

Ronsard ! Éblouissant Ronsard !
Si ton astre se lève tard
Après tant d’injuste silence,
Écoute l’unanime los
Qui vient caresser ton repos
Comme les voix d’un hymne immense.

Pour toi le temps n’a plus de cours.
Lève-toi parmi tes amours !
Hélène, Marie et Cassandre,
Hautaine muses de beauté,
Passent dans ton Éternité…
Et tu fulgures sur ta cendre !

Prince des poètes français !
Divin Ronsard ! O toi qui sais
Que ton heure est enfin venue !
O toi, que l’on croyait couché !
Jaillis ! comme un soleil caché,
De l’orageuse et noire nue !


OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Claire Sicard (5 septembre 2024). Edmond Rocher, “Le Dieu de la forêt” (Ode à Ronsard), 1924. RonsArt. Consulté le 15 mai 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/12jt6


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